Sélectionner une page

Voyage dans le temps du Cheval Arabe

Voyage dans le temps du Cheval Arabe

Le 29 Février 2020, l’Association française du Cheval Arabe organisait un forum avec différentes interventions quant à la race aujourd’hui et son devenir. Christele DEROSCH, éleveuse et passionnée des origines, y a présenté une très belle histoire de la race. Nous vous invitons à la retrouver ci-dessous.

 

Introduction du Forum ACA du 29 Février 2020, Congrès ECAHO, Paris

Si nous sommes rassemblés aujourd’hui ici, c’est bien parce que de quelque horizon que l’on vienne le Cheval Arabe est à l’épicentre de notre culture, de notre imaginaire, de nos projets professionnels et de vie … c’est un patrimoine vivant qu’il nous appartient de faire perdurer et fructifier.

Bien sûr il ne mène plus les guerriers à la victoire, les chefs de tribus dans les razzias. Il est toujours parfois un présent de choix, dans le cadre de marques d’honneur ou de pratiques diplomatiques. Le fait qu’il fut sacralisé par ses références dans le Coran et les traditions prophétiques échappe à beaucoup désormais. Cependant sa sensibilité unique nourrit toujours les passions que lui vouent les hommes.

Le très important cheptel arabe présent en France, en Europe et dans le monde fait qu’on en oublierait aisément qu’il fut initialement rare et cher, qu’il faillit disparaître dans nos pays à plusieurs reprises au gré des histoires politiques et des guerres, réduisant à néant le travail immense réalisé par ceux qui s’étaient mis à son service.

Considérons qu’il est le fruit de facteurs indispensables et complémentaires : -le milieu naturel et la pertinence de la sélection des tribus dans les pays du Berceau-le travail exemplaire des missions d’achat en Orient, gouvernementales ou privées, complété par la politique volontariste des administrations- la passion des éleveurs qui génération après génération, ont réussi à continuer le travail de leurs prédécesseurs avec un empirisme extrêmement productif !

Aujourd’hui, époque oblige, beaucoup s’en remettent à de nouvelles techniques ou à des avancées scientifiques pour orienter leurs programmes d’élevage, raisonner leurs accouplements ou même conserver ou écarter un sujet de leur cheptel.…

Je me permettrai d’arguer que cela ne peut venir qu’en complément d’une connaissance minimale de ce qui fait la supériorité du cheval arabe, améliorateur universel depuis des siècles. J’en veux pour preuve la remarquable capacité de la race à préserver ses qualités et régénérer ses effectifs malgré qu’ils aient été périodiquement extrêmement décimés.

Nos quatre intervenants vont vous présenter les différentes approches contemporaines des notions d’amélioration, de sélection et d’évolution de la race Arabe. Avant cela je vous propose de remonter le temps du Cheval Arabe au travers de son histoire, depuis sa naissance au sein des tribus bédouines, jusqu’à aujourd’hui.

La sélection Bédouine

Le cheval arabe est bien sûr le produit de sélections successives qui ont été opérées dès avant l’Islam. La sélection du cheval de vitesse pour la chasse et la razzia fut effectuée à partir des quelques équidés introduits dans la péninsule arabique depuis le début de notre ère. Les grandes tribus bédouines étaient isolées du monde dans leurs déserts entre Yemen et Mésopotamie, ce qui leur permit de conserver ce cheval en le purifiant même et en exaltant ses qualités par un élevage fondé sur la consanguinité.

Consanguinité vers laquelle ils étaient inclinés tant par leur goût de pureté que par leur mode de vie. …

Cette sélection sera renforcée par les Arabes islamisés après que le Prophète Mahomet ait imposé son génie militaire et son génie politique.

Il convient de préciser que le terme « sélection » dans le contexte des tribus n’est pas du tout le concept technologique tel que nous l’entendons aujourd’hui. C’est plutôt la soumission à un atavisme culturel nomade.

La conception arabe du « cheval de sang » nous est bien connue grâce aux innombrables textes qui nous sont parvenus, tant des auteurs arabes eux-mêmes que des explorateurs orientalistes venus d’Europe. Cette conception se résume en 3 points absolument essentiels et complémentaires : la pureté de l’origine, la qualité dans l’épreuve et la perfection de l’extérieur. Ce fil conducteur sera toujours au centre des préoccupations des générations de voyageurs en Orient, acheteurs ou décideurs dans les pays importateurs.

Endogamie dans les tribus et consanguinité chez leurs chevaux

Les zootechniciens des siècles derniers sont circonspects devant la consanguinité largement pratiquée dans la sélection des Bédouins. Buffon est un fervent opposant. A l’inverse l’immense Eugène Gayot ne la repousse pas : « Qu’est-ce donc que la consanguinité, sinon la loi d’hérédité agissant à plusieurs puissances cumulées ? »

Plus le degré de parenté est rapproché entre les reproducteurs, plus les qualités (et les défauts) se perpétueront. La logique le veut ainsi. Les Bédouins appliquent à leurs chevaux ce qu’ils font dans leurs tribus, avec des mariages endogames (notamment le mariage des jeunes hommes avec la fille de leur oncle paternel qui représentent près de 50% des mariages,) ;

Les Bédouins cherchent à faire des accouplements dits « pure-in-the-strain », c’est à dire à marier les animaux de même lignée maternelle uniquement. Chaque tribu possédait donc des chevaux issus d’une ou plusieurs familles bien précises qu’elles s’appropriaient généralement en ajoutant au nom de cette lignée le nom de leur propre famille… et faisait toute la fierté de la tribu. Concrètement, il était fréquent (et ça l’est toujours parfois) que l’on trouve dans les pedigrees 3 des 4 grand-parents avec des liens de parenté très étroits.

Exemple de double mariage (Ursus x Gomarra) en 4e génération, Ursus apparaissant une 3e fois à ce niveau. Ce pur espagnol de la Yeguada Militar, IAGO, fut champion de jumping devant toutes les autres races en franchissant deux mètres (1978)

 

Une image contenant bâtiment Description générée automatiquement

 

Une image contenant extérieur, personne, photo, hommeDescription générée automatiquement

Iago

J’estime que savoir lire un pedigree pour en tirer les enseignements nécessaires à la planification des mariages devrait être une priorité pour l’éleveur au même titre de d’être capable d’évaluer le modèle et les allures de ses produitsParmi les inbreeding heureux et que l’on retrouve très fréquemment dans les pedigrees du monde entier et dans toutes disciplines, encore de nos jours, il y a tous les chevaux d’origines Crabbet traçant sur Rodania.

Rodania est une jument du désert née probablement en 1869, capturée lors de combats entre tribus des Sba’ah, (les Roala contre les Gomussa ) (confédération des Anazeh) en 1880. Elle portait les traces de ses blessures à la guerre, ce qui est riche de sens. Rodania fut vendue en 1881 aux Blunt qui en firent une jument de fondation de leur dynastie d’élevage (avec Dajania et Queen of Sheba) . Ses filles (Rose of Sharon, Rose of Jericho), ses petites-filles et ses fils se retrouvent en infusions dans les meilleurs chevaux d’Egypte, de Pologne, de Russie, d’Australie, d’Afrique du Sud et dans le monde entier !

Une image contenant chien, photo, différent, extérieurDescription générée automatiquement

WH Justice – Rodania – Cass Olé – Sherazade Cabirat

Que vous inspire la composition ci-dessus ?La tête sublime du champion WH Justice, l’Etalon Noir de notre jeunesse (le pur-sang arabe Cass Olé qui tint le rôle-titre du film), Sherazade Cabirat, Top Ten pour la France au dernier championnat d’Europe d’Endurance… et le dessin de cette charismatique poulinière arabe) …Me croirez-vous si je vous dis que cette alezane est le dénominateur commun des pedigree des trois autres ? Exactement 30 fois dans le pedigree de Cass Olé, l’Etalon Noir… 112 fois dans celui de Sherazade Cabirat … et presqu’autant dans celui de WH Justice !Elle, c’est Rodania, l’ancêtre majeure de tout l’élevage arabe dans le monde. On la trouve partout, en endurance (chez les grands champions américains RO Gran Sultan et Pieraz, dans le pedigree de Persik et dans celui du Persik australien Chip Chase Sadaqa, etc), en show (chez Pepita et même 216 fois chez Marwan al Shaqab) ainsi qu’en course bien que ses descendants ne s’expriment généralement pas sur les distances courtes. Dans cette dernière discipline, les gagnants Serenity Mamlouk et Serenity Ibn Khofo (invaincu) aux USA descendent d’elle et on la retrouve même dans une bien moindre mesure dans le pedigree d’Al Mourtajez…

Une image contenant cheval, extérieur, animal, mammifèreDescription générée automatiquement

Primevère – Probat – Qoheyl – Majd al Arab

 

Même exercice mais avec notre lignée maternelle maîtresse en France … Quel point commun entre cette poulinière née en 1893 à Tiaret, en Algérie, l’immense champion Probat (lui-même père de Piruet, champion du Monde de show et père de performers en endurance), Qoheyl notre meilleur représentant français aux derniers championnats du Monde d’endurance junior, et enfin le très prisé étalon de course contemporain Majd al Arab ?

Vous avez en fait devant vous un concentré de ce que nous a laissé le monument CHERIFA. Originaire de la tribu Sba’ah et de lignée Chouimi, née en 1869 et importée à Tiaret en 1874, elle ne laissa qu’un produit ! Cette Mabrouka (1878) eut 4 filles et notamment Primevère (notre photo) qui transmit une qualité d’une rare persistance après plusieurs générations. Ainsi une majorité des « Grandes Dames » de l’endurance française (les poulinières de fondation) tracent plus ou moins loin sur Cherifa : Jerezana (via Dielfa), Dja’lah (via Djenoun), Diardob (via Excelsjor) et Azia bint Djebelia (via Sbah Hani) pour ne citer qu’elles.

Grâce aux découvertes scientifiques récentes, et notamment celles sur l’ADN mitochondrial (qui n’est rappelons-le transmis que par la voie femelle), des tests formels permettent pour les chevaux comme pour les humains d’isoler nos haplogroupes (nos tribus primitives) de même que le peuple d’origine. Ainsi nous avons découvert que les variations génétiques entre les sujets descendant de Rodania et ceux de Cherifa sont infimes, ce qui nous prouve qu’elles eurent une ancêtre commune !

 

Haplotypes des lignées maternelles égyptiennes. Il est passionnant de noter, concernant la découverte du fait que Rodiania et Cherifa étaient de familles proches, que deux équipes de recherches, menées sans concertation par Mrs Bowling aux USA et Mme Glazewski en Pologne sont arrivées aux mêmes conclusions !Les Missions d’achat françaises

Depuis les Croisades, la France a toujours eu une situation privilégiée en Asie Mineure et au Moyen-Orient, ce qui lui permit de s’approvisionner en chevaux arabes de la toute première qualité. C’est à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec le voyage de l’explorateur et zoologiste allemand Carsten Niebuhr en Arabie, de l’explorateur orientaliste suisse Jean-Louis Burckhardt en Syrie et bien sûr avec notre corps expéditionnaire français sous les ordres de Bonaparte lors de la Campagne d’Egypte que les Européens feront la distinction définitive entre le Cheval Arabe et les autres chevaux orientaux. Les Mamelouks impressionnèrent terriblement les troupes engagées : « le Mamelouk excitait notre admiration : il était lié à son cheval qui paraissait partager toutes ses passions ! » …c’est ainsi que le général Desaix prit la haute Egypte en 1798 après avoir équipé 500 hommes de cavalerie sur d’excellents chevaux du pays ! D’ailleurs, à la fin de son règne l’Empereur ne montait plus que des chevaux arabes.

Les Haras d’état (supprimés en 1790) furent rétablis en 1806, et se posa rapidement le besoin de sang neuf, les extraordinaires chevaux ramenés par l’armée d’Égypte commençant à être hors d’état de servir. La mode venait aux courses, pour imiter les Anglais. L’Empereur précise en 1808 : « j’aurais préféré des courses de durée aux courses de vitesse » … réflexion logique puisque Napoléon, chef militaire comme Mahomet, avait pleine conscience de la valeur des courses de fond !

Messieurs de Portes et Solanet, directeurs des dépots d’étalons, tirent le signal d’alarme : les reproducteurs ont été disséminés à la fermeture des haras royaux aux prémices de la Révolution Française. « Si les juments ont augmenté en nombre, elles ont bien régressé en qualité …. Le paysan, livrés à lui-même, n’a cherché qu’à élever la taille ; il a obtenu ce point, mais à quel prix ! Ces bêtes sont sans légèreté, sans forces, sans vigueur »…

Il devint donc évident qu’il fallait consacrer des budgets importants et mandater des experts pour remédier à cette pénurie. Négociés souvent de haute lutte à Alep, Constantinople, ou encore en Egypte, les émissaires envoyés en mission par la France ramenèrent sur deux siècles (1779-1970) près de 480 étalons et 130 juments.

(ces dernières n’étaient habituellement pas à vendre ce qui explique pourquoi il y en eut si peu, ajouté au fait qu’en France l’amélioration devait s’opérer par la voie mâle).

Une des missions qui eut le plus de conséquences pour l’avenir du ps arabe en France fut conduite de 1818 à 1820 par M. de Portes (directeur du Haras de Pau) accompagné du vétérinaire Damoiseau. Ils firent l’acquisition de 37 étalons (notamment le célèbre Massoud) et 2 juments. Dont la pépite Nichab, offerte à la mission, qui travailla 10 ans au Haras du Pin en croisement AA puis enfin 13 à Pompadour, en race pure. Elle mourut à 28 ans…

 

Une image contenant cheval, extérieur, debout, photoDescription générée automatiquement

Massoud, représenté ici par le Comte de Bonneval, Directeur du Haras de Pompadour, dans un type Koheylan fort de squelette et de musculature (alors que d’autres représentations fort différentes existent). Massoud apporta une grande contribution à la création de l’Anglo Arabe Français.

 

 

Une image contenant extérieur, vache, neige, herbeDescription générée automatiquement

Nichab

 

Des écuyers hors pair s’expriment magistralement sur le cheval Arabe, à l’instar du vicomte d’Aure, grand promoteur de l’équitation d’extérieur : je cite « Il pourra vous paraître étonnant que ce soit chez des hordes barbares que l’on aille chercher le type parfait du cheval mais votre surprise cessera lorsque vous saurez que, de temps immémorable l’Arabe s’occupe spécialement de ce genre d’éducation. Le cheval n’est pas pour lui, comme pour nous, un accessoire de l’existence ou un emblème de richesse… c’est toute sa vie, il partage avec lui ses peines et ses joies, ses fatigues et son repos. Sa noblesse est celle de son cheval, il a sa généalogie, connait ses filiations et peut prouver que son ami fidèle est de race noble et de sang qu’aucune mésalliance n’a pu tacher ».

La chute de Napoléon III en 1870 et les débuts compliqués de la IIIe République, avec notamment la Commune, ne nuirent en rien à la « fièvre acheteuse » française en Orient, bien au contraire : Entre 1874 et 1880 différentes missions importèrent un grand nombre de sujets, plus d’une centaine d’étalons et une quarantaine de juments. Un des plus qualiteux est incontestablement Mekain (offert à l’Empereur par le Sultan, stationné au Pin puis à Pompadour, peu utilisé malgré sa qualité, et surtout en croisement sauf en fin de vie). Un grand éleveur lui fit confiance et lui mena ses descendantes de l’illustre Nichab, Gustave Roque, et lui rendit ce bel hommage « Mekain est beau comme la poésie ! Que les poètes me pardonnent mais ce cheval peut se comparer à tout sans rien déshonorer … de qualité contestable dans quelques parties mais beau de cette beauté qui ne se détaille pas. Ces naseaux qui parlent, cet œil qui rêve, cette tête réservée aux tableaux et aux légendes » …

En 1872, un lot de 12 juments de qualité, trouvées in extremis à la fin d’une mission infructueuse, débarqua à Marseille avant de rallier Pompadour. Elles étaient d’une qualité égale aux Nichab, Koheil et Warda, les meilleures parmi les meilleures. Parmi elles une certaine Merjané … Sa première fille née en France, Berthe, n’est autre que la 4emère de Dénousté .

Fin XIXème et début XXème, bien que cela nous laisse certains regrets, la survivance du cheval arabe en France fut par et pour l’anglo-arabe. Le cheval arabe n’est plus qu’un pourcentage de l’anglo-arabe…

Dans les années 1920 certaines missions ont enfin pour objectif l’achat de chevaux susceptibles de travailler en race pure. Ces missions sont facilitées par le fait que la Société des Nations a placé la Syrie et le Liban sous mandat français. M. de Madron ramène en 1925 9 étalons tous Anazé ainsi que des notes de voyage passionnantes, des photos et son rapport sur la race chevaline pure arabe.

D’autres missions pour nos haras d’Afrique du Nord procurèrent d’excellents reproducteurs au Haras de Tiaret : notamment Bango, un shammar né en 1923 d’un mètre quarante cinq, qui eut une carrière longue et brillante ; et en Syrie El Managhi et El Obayan. Tiaret et nos dépots algériens reçurent ainsi quelques 220 étalons entre 1884 et 1945.

 

Une image contenant extérieur, cheval, animal, mammifèreDescription générée automatiquement

BANGO (Shammar, 1923)

Une image contenant extérieur, cheval, animal, photoDescription générée automatiquement

EL MANAGHI

 

Un des effets pervers de cet appétit occidental pour les Orientaux, c’est que le cheval devint en Arabie un objet de commerce alors qu’à l’origine les étrangers s’en étaient procurés à de longs intervalles et avec de grandes difficultés. Le désert va fournir avec peine les milliers de chevaux qui lui sont demandés, au détriment parfois de la qualité.

En France, l’élevage du cheval arabe se cherche et périclite. Il devient essentiel de créer un Haras en Algérie « où l’on grandirait la race sans la détériorer ». C’est chose faite en 1877 à Tiaret et en 1880 à Sidi-Tabet. Peut-on imaginer aujourd’hui, en 2020, que ces propos de l’ancien inspecteur des Haras (Houel) datent de 1867 ? « Face aux effets déplorables des modes changeantes, il y a au-dessus de tout la beauté vraie, la seule, la grande, l’éternelle, celle que le Créateur a imposé au type de l’espèce (…) Malheureusement cette beauté disparait chaque jour, bien peu de chevaux à notre époque peuvent en offrir le tableau complet et bientôt il faudra le demander à cent sujets différents (…) Pendant qu’il est encore temps, faisons tous nos efforts pour conserver au monde le type précieux du bon et beau cheval : il est des ruines que l’on ne peut plus relever »…

La guerre n’a plus besoin des chevaux : la sélection va alors s’orienter pour les courses. Dans l’entre-deux guerres des courses réservées aux pur-sang Arabes s’ajoutent aux courses d’anglo-arabes. La génération de 1924 est dominée par Dénousté, fils de Latif, importé d’Egypte en 1909 et Djaima (par le desert-bred Khouri et Dame Tartine par laquelle il trace donc sur Merjané dont nous avons parlé précédemment). Stationné à Pau jusqu’en 1948, ayant servi près de 800 juments et laissant près de 450 produits identifiés, Dénousté meurt à 27 ans en ayant gardé souplesse et fécondité !

Impressionnés par nos arabes français de course, le gouvernement russe envoie dans les années 30 une mission d’achat en France, dans le Sud-Ouest… c’est ainsi qu’un fils de Dénousté (avec une jument descendant d’Asfoura), Kann, part en Russie… des juments Crabbet ont également été importées en Russie et le mariage de Kann avec l’une d’entre elles (Rixalina) donnera l’héroique Korej, qui supporta les migrations et vicissitudes de la Seconde Guerre Mondiale et resta brillant jusqu’à sa mort à près de 30 ans…il laissa à Tersk des descendants prestigieux : Knippel, grand vainqueur en plat, et Kankan (étroitement consanguin avec Rixalina en double grand-mère) , le père de la légende Persik !

Une image contenant extérieur, photo, cheval, herbeDescription générée automatiquement

DENOUSTE, KANN, KANKAN, PERSIK

 

L’arabe français doit beaucoup aux courses qui lui sont réservées et qui furent très prisées par de grands propriétaires…jusqu’à ce que se profile la Seconde Guerre Mondiale. Après celle-ci, les effectifs des chevaux arabes sont en chute libre dans les pays du Berceau : les armées du monde entier sont motorisées, beaucoup de nomades se sédentarisent et préfèrent l’auto au cheval… la sélection naturelle locale est définitivement compromise. Heureusement les Anglais ont su organiser en Egypte un efficace organisme de sélection, la Royale Agricultural Society.

Pour la France demeurent les dépôts d’étalons et jumenteries d’Afrique du Nord, cependant tout le travail de sélection effectué à Tiaret (notamment par le commandant Bardot à partir de Bango) sera presque réduit à néant en une quinzaine d’années, avec l’utilisation d’étalons médiocres et une politique de dispersion. En Tunisie sont toujours produits d’excellents arabes de course, de souches autochtones ou françaises et notamment Sumeyr et Ourour. Après 5 victoires en Tunisie Ourour arrive en service à Tarbes à 5 ans en 1952. Il fut peu utilisé en arabe pur (seulement 18 poulains en 17 années de service, aux pires années du déclin, mais quelle qualité !) On trouve en lignée basse Asfoura et par son père Duc, Ourour trace doublement sur Merjané et Warda.

Une image contenant extérieur, animal, cheval, mammifèreDescription générée automatiquement

OUROUR, né en 1947, un des meilleurs pères de mères !

 

Une image contenant extérieur, cheval, route, animalDescription générée automatiquement

SUMEYR (1948 par Bango)

 

Une image contenant extérieur, herbe, cheval, champDescription générée automatiquement

ABLETTE par Sumeyr (1954, Jumenterie de Pompadour, lignée Zenab)

Le potentiel génétique immense de nos établissements d’Afrique du Nord va être dispersé lors des événements politiques qui accompagnent l’indépendance de ces pays… en 1964 la commission du SB admet quelques juments rapatriées d’Afrique du Nord et l’administration acquiert 3 étalons typés et réguliers en courses : In’Chaalah, Iricho et Irmak… méprisés par les éleveurs d’anglo qui leur préfèrent des Ba-Toustem ou Saint Laurent, de modèles plus conséquents.L’arabe français est en voie de disparition, pourtant la jumenterie de Pompadour compte toujours quelques poulinières pures arabes… Hélas dans les années 60, elles ne produisent guère qu’en anglo-arabe de même que la plupart des poulinières privées : ainsi des Maderba, Madonne, Magicienne, Nevada II etc ont plus produit en croisement qu’en race pure ce qui nous laisse aujourd’hui d’immenses regrets (Nevada II, rappelons-le, aïeule en lignée femelle d’au moins 50 gagnants de Groupe 1. Et, associée à Ourour, mère de Nevadour, l’une des souches les plus recherchées au monde, «la jument d’une vie» de Renée Laure Koch…)En 1965, le stud-book n’enregistre que 2 naissances en race pure. L’une d’entre elle vient de Robert Mauvy, esthète, peintre et éleveur de chevaux arabes selon les lignées et les coutumes du Berceau de race. Puis Jacques Chalom des Cordes implante dès 1966 en Provence un élevage d’arabes polonais, beaucoup plus « beaux » que les nôtres et sélectionnés pourtant sur la course. Ce dernier ne va pas tarder à faire des émules, de nouveaux élevages fleurissent et importent des chevaux de Pologne, de Tunisie, de Hollande, du Maroc… fait nouveau, l’étalonnage est devenu privé ! C’est l’époque où ces nouveaux éleveurs se rebiffent contre les haras qu’ils accusent de réduire le cheval arabe à un simple faire-valoir pour les anglos…

Promu directeur de Pompadour, Pierre Pechdo, personnellement très favorable à ce renouveau en faveur de l’arabe, est envoyé en mission en 1970 en Pologne afin d’acquérir trois étalons. La plupart des bons sujets étant réservée aux ventes aux enchères où les Américains les achètent à prix d’or, les négociations seront difficiles mais il parvient à faire l’acquisition de Baj (par Negatiw, souche basse Gazella II), Elaborat et Badr-Bedur, tous deux par Comet (dont l’ancêtre Bad descendait directement de Chérifa, donc un retour au bercail de notre meilleure lignée améliorée en type comme les Polonais savent si bien le faire).

L’administration française essaie ainsi de reprendre la main sur ces éleveurs très indépendants… alors que les éleveurs de nombreux pays viennent de se réunir pour créer une organisation mondiale du cheval arabe.

En 1972 l’Association Française du pur-sang arabe est créée et les membres fondateurs décident d’organiser un concours international à Paris dont la première édition se tiendra au Parc de Vincennes à l’occasion du 2eme Salon du Cheval, en 1973.

1975 voit la réapparition d’un programme de courses pour arabes….et la première édition de la fameuse endurance de Florac remportée par Persik… Le cheval arabe est sauvé en France, au moins en terme d’effectifs ! L’organisation des shows, règlements, formation des officiels et lutte contre les pratiques déviantes, qui font leur apparition, amènent les principaux pays organisateurs à créer dès 1983 l’ECAHO … ses missions pour le fairplay et la protection des chevaux sont toujours d’actualité aujourd’hui !

Les Français n’ont pas été seuls bien entendu à chasser la cavale orientale depuis quelques siècles… chaque pays ou presque possède une histoire toute aussi riche et mouvementée que la nôtre en la matière … des Blunt et Crabbet Park en Angleterre aux Haras de Weil Marbach (Allemagne) en passant par les importations d’Elisabeth II de Castille ou encore du comte polonais Rzewuski ou du prince Sanguszko, la simultanéité et l’universalité de cette quête est un sujet d’histoire inépuisable !

Une image contenant bâtiment, intérieur, debout, herbeDescription générée automatiquement

BAIRAKTAR, Saklawi Jedran né en 1813 et importé au Haras de Weil en 1817. Plus ancienne lignée mâle répertoriée. Sa descendance majeure passe par Amurath Sahib et Arax.

 

Cette quête fut plus tardive mais non moins fervente en Amérique du Nord (nombreuses importations d’Angleterre, de France, d’Egypte puis directement du Désert entre 1898 et 1911…) ainsi qu’en Amérique Centrale et du Sud (même si quelques sujets avaient déjà été importés par les Conquistadors au XVIème siècle)…

C’est en Amérique que se développe à partir des années cinquante la discipline que nous appelons show actuellement (distincte des concours de modèles et allures des haras européens fondés sur la notation d’une morphologie fonctionnelle), à la faveur de mesures de défiscalisation qui permettaient d’assimiler les chevaux arabes à des œuvres d’art…

Quid de cet héritage

Nous avons pris l’habitude de qualifier nos chevaux par le nom des pays qui les ont sélectionnés : pur polonais, pur russe, lignée française, pur Marbach, etc). Dans la majorité des cas il s’agissait de haras d’état, et lorsque l’on sait le nombre de générations qu’il faut pour réussir à obtenir une sélection d’élevage « idéale », on comprend bien qu’une vie humaine n’y suffit pas ! Chaque pays a mis en place son propre programme d’élevage, même s’ils ont tous puisés aux mêmes sources et à la même époque, et les résultats ont été fort différents selon les impératifs esthétiques ou fonctionnels qu’ils se sont fixés. Ainsi en Allemagne tous les étalons devaient passer 100 jours à Marbach pour des tests montés dans plusieurs disciplines tandis que l’hippodrome reste un outil de sélection prioritaire en Pologne et en Russie.

Une image contenant herbe, extérieur, cheval, champDescription générée automatiquement

GHAZAL et HADBAN ENZAHI, fils de Nazeer, à Marbach en 1965

 

Une image contenant extérieur, cheval, animal, mammifèreDescription générée automatiquement

Le grand sire El Shaklan a participé avec succès en 1979 aux tests des 100 jours de Marbach

 

 

 

Une image contenant extérieur, animal, cheval, rueDescription générée automatiquement

DRUG, étalon d’exception gagnant de courses en Russie, en France et en Angleterre mais également plus tard Champion d’Europe de Show !

 

De nombreux éleveurs dans le monde élèvent dans le but de conserver des lignées pures et un type arabe « originel » ou « classique » et ne tiennent compte ni du temps, ni de la mode ! C’est ce que firent en France Robert Mauvy et Jean Deleau notamment – et quelques rares puristes qui demeurent heureusement aujourd’hui. Je rends hommage à ce travail pour les générations futures, perpétué dans l’objectif de préserver un capital génétique particulièrement important au regard des lignées que nous avons déjà irrémédiablement perdues.

La sélection occidentale orientée vers des compétitions sportives ou de beauté, a eu tendance à séparer les deux qualités fondamentales : beauté et fonctionnalité, tout en oubliant aussi l’importance de la génétique et de l’étude des lignées dans les mariages, ce qui éloigne le cheval arabe actuel de son mode de sélection ancestral, dans l’esprit originel.

En conclusion, le Cheval Arabe est un joyau aux multiples facettes : témoin et acteur de l’Histoire des peuples, arme de guerre sophistiquée, œuvre d’art, symbole religieux, compagnon loyal, sportif accompli … nous l’avons reçu en héritage des peuples bédouins qui l’ont choyé depuis les origines puis des personnes émérites qui l’ont essaimé de par le monde et fait évoluer jusqu’à nos jours. Paradoxalement le Cheval Arabe est mis à mal actuellement autant dans les pays du berceau qui sont en guerres incessantes, que dans le reste du monde pourtant plutôt riche et en paix. Dans nos sociétés matérialistes il est devenu parfois un cheval « objet », à la merci des dérives.

Il m’apparait indispensable, par la diffusion des connaissances, de la littérature et de l’art, de RESACRALISER le Cheval Arabe. Réapprendre à s’émerveiller devant lui. Redonner envie aux générations futures d’éleveurs d’étudier chaque détail de leur merveilleux héritage pour s’en inspirer dans leur travail au quotidien. Ainsi conscients et fiers du trésor entre nos mains, nous serons plus motivés à le préserver et œuvrer pour son évolution positive, sans le dénaturer !

C’est à Jean Deleau que j’emprunterai le mot de la fin : « Si le cheval Arabe est le plus beau, c’est parce qu’il est le meilleur et que sa beauté n’est que la matérialisation de toutes ses qualités »…

 

Une image contenant texte, livre, équitation, cheval Description générée automatiquement

A propos de l'auteur

Laurence Boccard

Laurence est une passionnée de chevaux en tout genre, allez on l'avoue un petit (hum très gros !) faible pour les chevaux arabes. Amatrice de découvertes diverses et variées, elle vous les livre et vous raconte ses derniers coups de coeur ou de gueule.

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Nouvelle Formation de YOGA pour cavaliers et cavalières

Nouvelle Formation de YOGA pour cavaliers et cavalières

cliquez sur l'image

Quizz

Quizz