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Ils en parlent : En Irlande, des détenus à cheval sur la discipline

Ils en parlent : En Irlande, des détenus à cheval sur la discipline

communication animale


Ouest-France
jeudi 16 juin 2022

En Irlande, des détenus à cheval sur la discipline

En plein cœur de l’Irlande, la prison de Castlerea forme les détenus aux métiers du cheval. En douze semaines, ils développent compassion, responsabilités et compétences dans un secteur qui recrute.

La scène sort tout droit d’un film. Le matin, huit prisonniers arrivent à l’écurie, changent leur uniforme pour une tenue de travail et se dirigent vers les box où les attendent leurs chevaux. Là, ils nettoient, nourrissent, pansent et brossent les bêtes, qui les laissent faire avec bienveillance. Mais une fois dehors, les étalons ne foulent pas les grandes plaines du Texas, ni les prairies sèches d’Australie : ils trottent dans les champs humides qui entourent la prison de Castlerea.

Avec son club de golf, sa poignée de pubs et son musée du train, la ville ressemble à toutes celles qui parsèment les comtés ruraux de l’île d’Émeraude. Rien ne laisse penser qu’elle est le décor d’un programme sans équivalent en Europe, « Les chevaux de l’espoir »​, financé à hauteur de 100 000 € par la communauté équestre du pays.

Dans cette écurie flambant neuve, les prisonniers sont « des étudiants » ​en libération conditionnelle, au travail de 9 h 30 à midi, puis de 14 h 15 à 16 h. Ils feront de bons garçons d’écurie ​, assure Paul Kelly, ancien jockey et ex-instructeur dans l’armée, qui encadre la formation. Son enthousiasme communicatif a de quoi rassurer les participants qui n’ont jamais approché de chevaux. On a un poney pour ceux qui ont un peu peur ! ​

Gary, emprisonné depuis deux ans, a déjà reçu son diplôme. Il continue à s’occuper de Timber Storm – C’est le grand, là-bas ​– les week-ends. Il y a une véritable connexion entre nous, je le vois à sa manière de se comporter avec moi : dans sa posture, dans le fait qu’il me donne de petits coups de tête… Il me fait confiance. ​Il apprendra probablement ​à monter un jour, mais n’a pas envie de tomber de cette hauteur… ​

J’espère surtout que je trouverai du travail en sortant. Une partie de ma famille travaille dans une association qui s’occupe de chevaux donc je pourrai certainement faire du bénévolat​, confie-t-il. Avant, je ne connaissais rien aux chevaux. Désormais, je peux m’en occuper et les soigner. Cette formation est une manière de rentabiliser mon temps en prison, c’est un pas dans la direction de la sortie ! ​

Ses gestes sont assurés quand il se rend dans l’enclos pour passer le licou à une jument noire.

C’est un système gagnant- gagnant, souligne Paul Kelly. On récupère des chevaux maltraités ou abandonnés et placés en refuge, et on leur offre une retraite heureuse. Dans le même temps, les garçons apprennent un métier et obtiennent des qualifications. Une fois qu’ils seront prêts, ils pourront être embauchés.

« Comportement exemplaire »

Les douze semaines s’achèvent par l’obtention d’un certificat qui leur ouvre les portes d’un secteur dynamique. On essaie d’instiller en eux l’idée qu’il y aura toujours un emploi qui les attend dans ce secteur d’activité. ​

Car les Irlandais aiment les chevaux : c’est même eux qui ont inventé la course d’obstacles. L’Irlande est le troisième exportateur mondial de pur-sang et le premier en Europe, ce qui représente 28 000 emplois locaux.

On estime aussi que 14 000 personnes travaillent dans les sports équestres. Cette formation donne une bonne image de la filière ! Et si nos gars sortent de prison et ne récidivent pas, ce n’est pas seulement eux qu’on sauve, mais leurs familles et leurs proches qui pourront cesser de s’inquiéter ​, se réjouit Paul Kelly.

Pour participer, il faut avoir eu un comportement exemplaire pendant neuf semaines, et suivre un cours théorique. Il faut aussi être rendu à la moitié de sa peine.

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Une fois acceptés, en plus des gestes de base, les participants apprennent à préparer les chevaux pour le transport, à identifier les plantes dangereuses, à administrer certains soins, et surtout… à savoir quand appeler le vétérinaire.

Celui-ci arrive justement pour vérifier une plaie et discute quelques minutes avec Gary. Ces interactions sont une manière de leur faire réintégrer la société ​, glissent les surveillants.

Le bâtiment de bois clair ouvre d’ailleurs sur une route publique que les villageois empruntent pour se promener, sans que personne ne se retourne sur les caméras qui encadrent la façade.

Les études que nous avons lues montrent que le travail avec les chevaux permet aux prisonniers de développer leur compassion. On a vu l’attitude de certains d’entre eux changer à l’intérieur de la prison depuis qu’ils ont commencé à interagir avec des animaux ​, se félicite Anthony Shally, gouverneur de l’établissement pénitentiaire.

Pour une prison rurale comme la nôtre, il faut constamment chercher à développer les compétences de nos prisonniers d’une manière utile lors de leur libération. Ces hommes viennent de Galway ou du Donegal : il y aura toujours des chevaux à proximité ​.

Il faut effectivement viser juste, car en Irlande, si 60 % des employeurs affirment être prêts à embaucher d’anciens prisonniers, les deux tiers d’entre eux n’ont toujours pas d’emploi trois ans après avoir purgé leur peine.

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