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Les bonnes résolutions

Les bonnes résolutions

En tant que cavalier cela devrait vous parler.

Découvrez ce très bel article de Philippe Gabilliet.

Les bonnes résolutions : l’art et la manière.

Philippe GABILLIET. Professeur de psychologie à ESCP Business School

« Les bonnes résolutions sont comme les anguilles. On les prend aisément ; le diable est de les tenir »
(Alexandre Dumas fils)

A chaque Saint-Sylvestre, après plusieurs jours d’agapes, souvent émaillées d’excès en tous genres, revient la sympathique tradition des bonnes résolutions pour la Nouvelle Année. C’est alors que l ’on décide avec conviction, cette année encore, de perdre du poids, de s’inscrire à un cours de fitness, de travailler moins, de passer davantage de temps avec ses proches, quand ce n’est pas un savant mélange de tous ces ingrédients, voire d’autres encore.

Le moment, il est vrai, semble tellement bien choisi. Une nouvelle année, c’est un espace de vie qui s’ouvre, une faille propice, un champ de nouveaux possibles qui ne demande qu’à être ensemencé par quelques solides décisions que l’on est, cette fois, sûr et certain de tenir, du moins à l’instant où on les prend. Cette vieille coutume occidentale est d ’ailleurs tout à fait réjouissante. Quoi de plus positif que de prendre envers soi-même une série d’engagements positifs en vue de troquer une mauvaise habitude contre une bonne, d’améliorer son comportement et ses relations ou d’assainir son mode de vie pour l’année à venir ? Le tout motivé par un désir simple : être différent demain de ce qu’on est aujourd’hui, et bien sûr en mieux.

On raconte que cette coutume aurait pris naissance à Babylone, il y a quelques 5000 ans. La nouvelle année commençait alors à la première Nouvelle Lune qui suivait l’équinoxe de Printemps, soit vers la fin mars. Et la coutume voulait que l’on s’engage alors à rendre à ses amis le matériel agricole emprunté tout au long de l’année passée. D’autres y voient une survivance des fêtes païennes de Janus, dieu à double-visage, l’un tourné vers le passé (demander le pardon pour les actes peu généreux commis dans l’année écoulée), l’autre vers l’avenir (prendre des bonnes résolutions pour l’année à venir).

Mais les choses ne sont jamais aussi simples qu’on le croit. « Les bonnes résolutions, écrivait Oscar Wilde, sont des chèques tirés sur une banque où on n’a pas de compte courant ». Ce qui explique sans doute la grande difficulté qu’il y a à les tenir dans la durée, une fois passée l’euphorie de la fête et des serments de fin de soirée. A croire que les bonnes résolutions semblent parfois avoir été inventées pour être abandonnées aussi vite qu’elles ont été prises (et, faut-il l’avouer, pas toujours à jeun…).
Une étude de Richard Wiseman, professeur de psychologie à l’université de Hertfordshire (U.K.), réalisée en 2007 auprès de 3000 personnes, vient confirmer que 78% des bonnes résolutions du Nouvel An échouent, 22% seulement parvenant à se maintenir dans la durée et à aboutir à un changement positif pérenne.

Comment expliquer ce mécanisme ? Afin de pousser plus loin notre réflexion, nous vous proposerons dans un premier temps de mieux comprendre la nature de ces fameuses « bonnes résolutions », dans toute leur diversité. Nous ferons ensuite un point sur les raisons bien connues qui font qu’on ne parvient pas à les tenir dans la durée. Et nous proposerons pour finir une série de principes de bon sens qui, s’ils ne sauraient tenir lieu de recette-miracle, semblent au moins avoir fait leurs preuves auprès des 22% étant parvenu à tenir leurs bonnes résolutions dans la durée.

Qu’est-ce qu’une bonne résolution ?

D’une façon générale, une bonne résolution consiste en un changement positif d’habitude, changement qui a vocation à améliorer durablement notre mode de vie. Prendre une bonne résolution, c’est s’engager à introduire un écart (même léger) dans son système actuel d’habitudes. C’est décider de faire différemment quelque chose d’important pour soi ou les autres. C’est introduire une bifurcation, une inflexion, même mineure ou peu visible, du moins au début. Ce qui compte ici, c’est l’écart décisif que l’on va créer. Dans l’univers structuré de la géométrie, deux droites parallèles n ’ont jamais vocation à s’écarter ni à se rejoindre. Mais qu’un minuscule écart de 0,1° intervienne sur l’une des deux droites et celle-ci s’éloignera lentement, imperceptiblement mais inexorablement du chemin initial, jusqu’à partir explorer les confins de l’univers euclidien. Prendre une bonne résolution au Nouvel An est donc une sorte de processus « euclidien » qui conduit à introduire un écart fait de désirs nouveaux entre deux droites jusqu’alors parallèles sur notre plan de vie, celui de nos habitudes actuelles ! Oui, toute bonne résolution commence par la création d’un écart à la norme, à l’habitude, à la zone de confort.

Il existe plusieurs catégories de bonnes résolutions et chacun peut y puiser ce qui lui semble le plus souhaitable pour lui ou pour elle.
Dans un monde où la consommation effrénée (en particulier alimentaire) fait courir des risques nouveaux à la santé, on ne s’étonnera pas de la prolifération post-réveillon des résolutions suivantes : arrêter enfin de fumer, boire moins d’alcool, manger plus sainement (et en particulier les fameux 5 fruits et légumes par jour), perdre du poids, se (re)mettre au sport, marcher davantage, vivre davantage en mode écoresponsable, etc.
Viennent aussi s ’y rajouter l’ensemble des attentes de développement personnel, sous toutes ses formes : apprendre l’italien, me mettre à la guitare, trouver un meilleur job, m’engager dans une cause, ralentir mon rythme, dépenser moins, profiter de la vie, etc.
Mais que serions-nous sans les autres, tous ces « autres » qui gravitent autour de nous depuis toujours ? Et quel meilleur moment que la rentrée de janvier pour décider enfin de mettre un peu d’ordre et d ’harmonie dans ses relations : me réconcilier avec Bernard, reprendre contact avec Magali (certes perdue de vue depuis la fac), avoir enfin une explication franche avec Kevin, passer plus de temps en famille / avec les enfants/ mes vieux parents, trouver un compagnon/une compagne, aider les démunis ou les sans-abri, passer moins / davantage de temps sur les réseaux sociaux, etc.

Enfin, s’il reste un peu de temps, le moment est peut-être venu de prendre en main son environnement de vie en décidant une bonne fois pour toutes de : ranger l’appartement, chercher quelque chose de plus grand, jeter ou donner mes vieilles fringues, payer ses dettes, partir en voyage, créer son activité, etc.
A se demander comment une seule vie pourrait suffire à réaliser toute la liste de nos désirs en envies. Surtout lorsqu’on réalise que mener à bien une seule de toutes ces résolutions semble parfois tenir d’un véritable parcours du combattant !

Pourquoi est-ce si difficile de tenir ses bonnes résolutions ?

« Une fois que ma décision est prise, j’hésite longuement », écrivait Jules Renard. Et il semble en être ainsi de tous les candidats que nous sommes à la bonne résolution du 1er janvier, résolution qui souvent ne survivra que quelques jours à la reprise frénétique de l’activité du début d’année et à la réactivation de nos routines quotidiennes…
D’où vient cette difficulté à tenir ses résolutions ?

  • La première difficulté est sans doute qu’il y a souvent beaucoup trop de bonnes résolutions sur la ligne de départ. Attention au syndrome de la liste des envies (de changer) … « A quatre commence l’infini » affirmaient les philosophes grecs. D’où l’idée selon laquelle, si l’on veut éviter trop de déperdition, le nombre optimal pour des bonnes résolutions de début d’année doit être de préférence impair et inférieur à trois ! Cela permet de se focaliser sur l’essentiel et de limiter la dispersion sur des décisions qui, tout à fait valables prises isolément, risque de s’annuler dès lors que l’on cherche à les concilier : arrêter de fumer et perdre du poids, me remettre au sport et passer plus de temps à la maison, manger plus sainement et sortir davantage avec mes amis, etc.
  • La deuxième difficulté est que nombre de bonnes résolutions semblent avoir été prises « hors-sol », dans l’euphorie et l’enthousiasme du moment. A aucun moment on ne s’est posé (d’ailleurs était-ce bien le moment ?) la question de sa disponibilité concrète, de ses capacités, des ressources de base, du temps nécessaire, etc. Rien de pire que de prendre trop rapidement des résolutions que notre contexte ou notre style actuel de vie rendront difficiles à mettre en œuvre, du fait de tel ou telle contrainte d’agenda, d’engagement autre, de projet professionnel ou personnel concurrent, de négociation avec un partenaire, etc.
  • La troisième difficulté, très courante, tient dans le manque d’appuis et d’alliés au moment de la réalisation. Une bonne résolution a beau n’être qu’un micro-changement de vie, elle ne peut être maintenue dans la durée sans le soutien, voire la complicité de ces autres acteurs que sont les proches, qu’ils soient membres de la famille, amis, collègues, etc. En effet, il arrive souvent qu’une bonne résolution crée aussi des nouvelles contraintes pour les autres, voire les poussent – eux qui n’ont rien demandé- à sortir de leur propre zone de confort. En décidant de vivre mieux, de changer mes habitudes dans le bon sens, il est aussi possible que je crée un inconfort, voire une tension avec les autres. D’où cette idée selon laquelle une bonne résolution, dans sa mise en pratique, mérite d’être en quelque sorte « négociée » avec son entourage, afin que tout le monde s’y retrouve.
  • La quatrième difficulté, enfin, tient dans le manque cruel d’organisation et de supports adaptés, sous prétexte qu’il ne s’agirait que d’un « petit » changement et que « quand on veut on peut ! ». Or une bonne résolution est toujours un projet, à savoir un désir assorti d’une date de réalisation ! Plus une habitude ancrée en soi doit être changée, plus il faudra raisonner en termes de plan d’action, de rappel régulier de l’objectif poursuivi, voire d’outils de suivi (pèse- personne, agenda, journal de bord, relevé bancaire, budget loisirs, feed-back des amis, etc.)

Cinq pistes pour tenir (enfin) vos bonnes résolutions.

1) La piste du désir : sachez de quoi vous avez vraiment envie.

« Il faut tenir à une résolution parce qu’elle est bonne, pas parce qu’on l’a prise ». Par ces mots, La Rochefoucauld nous rappelle combien il est essentiel que toute résolution soit avant tout la vôtre…et non celle de quelqu’un autre (pote, conjoint, enfants, collègues, norme sociale, etc.). Il est des résolutions que l’on prend par envie, par plaisir, en anticipant déjà la satisfaction que l’on éprouvera – dans son corps et dans son esprit – une fois que l’objectif sera atteint.
Il en est qu’on prend par jeu, par bravade, sur un coup de tête, pour le « fun », par esprit de compétition ou pour monter de quoi on est capable.
Il est d’autres résolutions en revanche que l’on prend surtout par devoir ou sous la pression, pour « faire plaisir » ou « avoir la paix », au choix ; d’autres auxquelles on s’accroche par nécessité, voire par contrainte.
Certes cette dernière catégorie sera toujours plus difficile à réaliser et à pérenniser. D’où l’importance, même face à des résolutions qui ne sont pas totalement les vôtres (même si elles sont en elles-mêmes bénéfiques), de rester à l’affût de tous les bénéfices possiblement liés à ce changement d’habitude ou d’attitude.
Car on ne peut tenir ses engagements que s’ils sont en cohérence avec la personne que nous sommes. Tenir un engagement de changement personnel, même minime, nécessite toujours un alignement entre ces trois idées simples :

  • je m’en sens capable (capacités)
  • je vois ce que nous avons à y gagner (bénéfices pour moi et les autres)
  • cette bonne résolution fait sens pour moi (par rapport à mes valeurs ou mes buts à long terme)
    Ce point étant éclairci, devient résolument « bonne » toute résolution que l’on prend en conscience et que l’on fera tout désormais…pour rendre bonne !

2) La piste du décor : apprivoisez votre écosystème.


Il faut de même admettre qu’une bonne résolution – aussi pertinente et désirable soit-elle – débouche souvent sur un bras de fer entre notre volonté et nos automatismes, les seconds étant souvent beaucoup plus ancrés que la première n’est entraînée.
Cela signifie-t-il que notre manque de volonté serait responsable du maintien de nos mauvaises habitudes ? Pas si simple. En fait, la psychologie de l’action nous enseigne que nos automatismes ne sauraient à eux seuls maintenir une mauvaise habitude …en l’absence d’un contexte favorable. Ainsi, quiconque prend une bonne résolution doit en priorité se demander comment mettre son contexte de son côté. Le contexte, c’est tout l’environnement mis au service de la bonne résolution, une sorte « d’écosystème d’engagement » comprenant à la fois :

  • le décor dans lequel on vit,
  • les décisions de structuration du temps que l’on inscrit dans son agenda,
  • le plan d’action et de suivi des progrès, voire le journal de bord,
  • les petites récompenses symboliques qu’on s’octroie pour s’encourager,
  • les applis smartphone nous permettant de mesurer, piloter ou contrôler notre changement d’habitudes,
  • sans oublier les engagements à changer – pris devant des supporters, ces tiers à l’estime de qui l’on tient tant – et à qui on aura demandé de nous rappeler en temps voulu notre engagement de changement.

3) La piste de l’horloge : laissez du temps au temps.


« Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui ». Il est très difficile de changer rapidement et en profondeur. Une idée communément reprise par les gourous du développement personnel depuis trente ans voudrait qu’il faille environ 21 jours pour changer une habitude. Pas si simple. La recherche en science du comportement table aujourd’hui davantage sur une soixantaine de jours, ce qui demeure très raisonnable à l’échelle d’une vie humaine.
Mais cela nous ramène à l’importance, face à toute bonne résolution, de créer rapidement les nouvelles routines et rituels qui viendront renforcer notre capacité à tenir la résolution en question. Car s’il est un point qui demeure essentiel, c’est en toutes circonstances de créer un contexte, un environnement propice à l’enracinement de la nouvelle habitude de vie, qu ’elle soit alimentaire, physique, relationnelle ou sociale.

4) La piste de l’action : changez tout en faisant.


Prendre une bonne résolution, c’est décider de FAIRE différemment pour DEVENIR autre. Il n’est rien au-delà de l’action. Bref, on change d’abord ses actes, et les pensées suivront. Dans le fond, une bonne résolution est presque toujours déraisonnable, irréaliste. Et nul d’entre nous n’est jamais totalement prêt à changer une habitude ancrée en lui depuis des mois, des années voire des décennies.
Mais ceux qui ont le plus de chances de ne jamais changer sont justement ceux qui attendent d’être totalement prêts, d ’avoir rassemblé toutes les conditions favorables avant de larguer les amarres. Une bonne résolution ne se réalise toujours qu’en faisant, en agissant, en posant des actes et le plus souvent en l’absence de la totalité des ressources et des cartes.
En fait, face à la réalisation d’une bonne résolution, deux chemins sont possibles. Cela peut « bien se passer » et la résolution se transformera alors en nouvelle bonne habitude. Mais cela peut aussi « mal se passer » et la bonne résolution rejoindra temporairement le cimetière des désirs non réalisés. Mais dans les deux cas de figures, il se « passera quelque chose », et vous saurez quoi en faire afin de repartir sur un autre changement, voire sur une autre bonne résolution, sans qu’il soit pour autant nécessaire de patienter jusqu’à la prochaine Saint- Sylvestre.

5) La piste du droit à l’imperfection : acceptez de changer d’avis en cours de route Prendre une bonne résolution, quelle qu’elle soit, c’est accepter d’expérimenter et de voir si cela nous convient ou pas.

Voir également


Ainsi, il faut parfois accepter de renégocier avec soi-même, surtout quand le résultat n ’est pas au rendez-vous. Ne pas parvenir à ancrer une bonne résolution dans la durée, ce n’est pas échouer. C’est s’être donné un devoir, celui d’essayer. L’objectif n’a pas été atteint ? Et alors ?

Peut-être le temps n’était-il pas encore venu. Peut-être le contexte actuel n’était-il pas assez favorable. Peut-être ce changement a-t-il été vécu pas vos proches comme trop radical, voire malsain ou risqué pour votre équilibre ou votre santé. Peut-être aviez-vous fixé la barre un peu trop haut. Peut-être la réalité vous a-t-elle remis sur les rails.

Bref, prendre une bonne résolution, c’est accepter d’avance de devoir apprendre des choses nouvelles, en particulier celles qui nous ont manqué jusque-là.

Une bonne résolution est presque toujours un mini-défi adaptatif et créatif, qui nous conduira à développer un potentiel et des ressources encore inexploités d’organisation, d’imagination, de créativité et de volonté.

Pour aller plus loin :

James CLAER, Un rien peut tout changer ! Micro-actions, méga-impact …, Larousse, 2019.

Charles DUHIGG, Le pouvoir des habitudes. Changer un rien pour tout changer, coll. Champs, Flammarion, 2016.

Philippe GABILLIET, L’art de changer de vie en 5 leçons, Saint-Simon, 2018.

Malcolm GLADWELL, Le point de bascule. Comment faire une grande différence avec de très petites choses, coll. Champs, Flammarion, 2016.

La Grande Sophie, Les bonnes résolutions (chanson) https://www.youtube.com/watch?v=x0eqDt4l8Us/

Max PICCININI, Réussite maximum, 7 étapes pour créer une vie selon vos propres termes, Editions Un Monde Différent, 2019.

Gretchen RUBIN, Ma vie en mieux , Editions J ’ai Lu, 2017.

Richard WISEMAN, 50 secondes pour prendre les bonnes décisions, JC Lattès, 2010.

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