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Interview de Gaia Nova : avoir ses chevaux chez soi, soins et beaucoup d’autres questions !

Interview de Gaia Nova : avoir ses chevaux chez soi, soins et beaucoup d’autres questions !

guillemet_orange_1Comment vous est venu l’idée de prendre vos chevaux chez vous ?

Je dirais que ce sont plutôt les chevaux qui me logent….(hihi !) j’ai tout à fait l’impression d’être la gardienne de leur lieu, chargée de leur sécurité, de leur bien-être, et accessoirement hébergée en échange.  En fait, j’ai commencé par aller voir chez les autres, me documenter et me former avant d’envisager d’acheter un lieu. Je voulais que tout soit prêt et parfait, je désirais avoir les connaissances nécessaires avant de me lancer. Et ça ne s’est pas tout à fait déroulé dans cet ordre mais presque. J’ai commencé par faire un stage de « dépannage en maréchalerie » chez un guide de tourisme équestre car je voulais pouvoir déterminer si le cheval était bien ferré et éventuellement dépanner en ôtant le fer si nécessaire. Ce point de départ a été grandiose, et je pourrais écrire un livre à partir de là.

J’y ai rencontré une dame qui était suiveuse d’un champion d’endurance et vétérinaire et comme je voulais connaître les bases sur les soins à apporter et surtout savoir observer les signes émanant du cheval pour estimer une situation, j’ai tout de suite été embauchée pour conduire la voiture de suivi qui contenait les bouteilles, les seaux et les éponges, et le chien pour garder tout ça. Deux semaines plus tard, eut lieu ma première expérience : sur les routes sinueuses du Lot, la carte IGN posée sur le volant de la Volvo break pour trouver le point de rendez-vous avec les deux chevaux, et suivie par toute une cohorte de véhicules qui me « faisait confiance »…. On suivait le suiveur du champion de France Georges Van Daele  (ou plus exactement sa voiture )  !!!!. Quelle pression !!

Georges Van Dale lors des 2 jours de Montcuq en 1990 : il a gagné la course avec ses deux chevaux Sahel et sa maman Obelia (montée par Stephane Tochon)... très grisant d'entrainer et de faire le suivi en course de ces beaux chevaux....
Georges Van Dale lors des 2 jours de Montcuq en 1990 : il a gagné la course avec ses deux chevaux Sahel et sa maman Obelia (montée par Stephane Tochon)… très grisant d’entrainer et de faire le suivi en course de ces beaux chevaux….

Georges a fait naître la première championne du monde d’endurance « Varoussa de la Barthe » fille du célèbre Persik. J’ai eu l’honneur de monter cette adorable jument lors de son débourrage et ses premières sorties. Pour sa première sortie seule, je portais le poids d’une immense responsabilité, mon intuition me disait que cet être était exceptionnel, je n’avais jamais monté de si jeunes chevaux…. J’ai fait une chute mémorable sur le goudron à cause, comme d‘habitude, d’une accumulation de petites choses embêtantes. Et là, super Varoussa n’a fait que 3 pas de fuite, s’est retournée et m’a regardée, posée sur mon séant avec la peur de ma vie. Allait-elle repartir au triple galop vers la maison, avec 3 routes à traverser ?  et bien non, elle m’a gentiment attendue. Je suis retournée vers elle doucement, tremblant de la tête aux pieds. A partir de cet instant, ma vie avec les chevaux a été orientée d’abord vers la qualité de la relation, et en conservant la conscience que nous ne maîtrisons rien, et que amener un cheval dehors est encore plus dangereux que indoor.

Etiez vous déjà une femme de cheval ?

Et bien sincèrement non. Selon moi, il faut des années de contact avec les chevaux et avec des personnes expérimentées comme mentor pour devenir un vrai « homme » de cheval.  J’ai appris en club entre 1971 et 73 (quelques bribes de cette histoire ici) puis refroidie, je m’y suis remise lorsque j’étais étudiante, et à nouveau refroidie, j’ai fait un break pour reprendre un peu en 86.

Il ne me restais plus qu’une chose à faire, m’immerger et organiser mon propre parcours.

J’ai eu la chance que le guide de tourisme équestre me confit au pair l’hiver ses chevaux de randonnée très expérimentés. J’ai pu donc pratiquer des bribes de maréchalerie, partir en solo en rando. Avec le vétérinaire, j’ai entraîné ses chevaux,. Je suis devenue par hasard accompagnatrice de tourisme équestre pour rendre service. En fait, j’ai passé l’examen en candidat libre, car j’avais déjà étudier et pratiqué toutes matières par moi même (sauf l’animation !)

Quelles sont les avantages / inconvénients à avoir ses chevaux chez soi ?

Selon moi, il n’y a que des avantages, dès lors que l’on dispose des moyens financiers, matériels et humains par forcément importants mais adéquats.

Le cheval se sent mieux d’avoir un « chez lui » stable, un lieu qu’il connaît, qu’il s’est approprié. Vous n’êtes dépendant de personne et gérez l’alimentation, les terres, les soins comme vous voulez. Pas de négociation à avoir avec les hôtes ou les autres pensionnaires, pas de conflit, vous êtes libres.

Les équipements, si intelligemment choisis représentent un investissement modéré que vous pouvez faire progressivement après avoir planifié votre projet.Avoir ses chevaux chez soi

A échéance, cela revient vraiment nettement moins cher d’avoir ses chevaux qui vivent en extérieurs et soignés avec les médecines complémentaires. Je vous parle d’une expérience menée sur 23 ans!

On n’est pas obligé d’avoir des matériaux de luxe, pour peu qu’ils soient solides et « secures ».

Par contre, le voisinage, la famille, tout le monde doit accepter la présence des chevaux, et assurer leur gardiennage lorsque vous voulez vous absenter. C’est le seul écueil que je rencontre moi-même depuis longtemps. Je vis seule et ne peux m’absenter plus de 2-3 jours par manque de gardiens.

Sachant que mes clôtures sont parfaitement entretenues et quasi intraversables.

Que pensez-vous du concept de Paddock Paradise ? Avantages / inconvénients ?

Je trouve que c’est une alternative très intéressante à plusieurs titres.

Tout d’abord, cela invite la personne qui la met en œuvre à s’intéresser à l’éthologie et la physiologie du cheval, à ses pieds et sa digestion, à observer ses comportements et tenter de les comprendre.

PaddockParadise

Ensuite, sachant que les activités principales du cheval sont de marcher pour manger et socialiser, il est sans aucun doute préférable qu’il bouge sur un parcours pour chercher à manger, plutôt qu’il reste à l’arrêt toute la journée ou à piétiner, à attendre sa pitance 3 fois par jour (au mieux !!!). cela fait des terrains détruits par les piétinements et surparasités, une flore appauvrie, des chevaux qui mangent des plantes qu’ils ne devraient pas (glands…).

Il finissent par avoir des des pieds de piètre qualité, des déséquilibres minéraux et forcément mentaux à un moment donné. Souvenez-vous, les chevaux vivent privés de leur liberté, de leur libre arbitre, de ce qui pourrait satisfaire leurs besoins fondamentaux, et nous en payons le prix tôt ou tard.

Avantage certain pour vos terrains, vous gérez le parasitisme, le piétinement, et dans les meilleurs cas vous pouvez vous réserver un endroit pour faire votre foin.

Vous pouvez également mieux gérer les disparités entre les individus qui ont besoin de manger plus et plus riches (pur sang, SF..) et ceux qui sont plus rustiques voire qui ont une sensibilité à la fourbure (je les appelle les « fourbiques » ;))

Quelle surface faut-il avoir pour pouvoir mettre cela en place ?

Je conseillerais de vous adresser à des personnes telles que les pédicures équins ou à l’AFPN  – association française de parage naturel (http://afpn.free.fr/) pour en savoir plus, il y a également des sites et des livres sur le sujet.

Il y a des paramètres qui se croisent à prendre en considération avant de décider de la surface adéquate : la nature des sols et leur état lié à leur historique, leurs reliefs, orientation et leurs bordures, la diversité de la flore,  le cheptel, la manière dont vous souhaitez conduire l’alimentation, gérer le parasitisme et l’activité sur vos terrains….

Bref, un conseiller doit disposer de tous ces éléments et même plus pour vous indiquer des choix possibles.

Comme je vous le disais précédemment, Paddock-paradise implique la prise en considération de l’animal dans sa globalité introduit dans un lieu,  un biotope dans sa globalité également.

Comme le dit Martine Hausberger « on ne met pas la Nature dans des cases ».

Vous parez vos chevaux vous mêmes et ils sont pieds nus depuis des années, est-ce quelque chose que vous conseillez ? dans quel cadre ?

Comment ne pourrais-je pas conseiller le parage naturel ou plutôt la vie sans fers ?  oui, bien sur, le cheval se tiendra mieux sur ses pieds, ceux-ci seront mieux irrigués, plus souple et plus forts, plus sains….

Mais attention, les pieds font partie intégrante du cheval et celui-ci de la Nature.pied nu

Si vos chevaux vivent en Normandie ou en Limousin, sur ce qu’on pourrait appeler de la moquette, vous aurez à parer vos chevaux beaucoup plus souvent que si ils vivent sur un causse dans le Lot ou en montagne dans les Corbières.

Les fourchettes ne réagiront pas de la même manière, d’ailleurs la composition de l’alimentation naturelle et des minéraux de sera pas la même. Tout influe sur tout.

Pour ma part, j’effectue un parage en fonction des besoins.

Ce peut être tous les quinze jours ou 2 mois, tout va dépendre de la saison et de l’alimentation qui en découle (les pieds poussent plus vite au printemps/été) et de l’activité du cheval, du sol plus ou moins sec et donc plus ou moins abrasif, et de ce que nécessite le pieds lui-même (aplombs, état de santé..).

Ce qui incontournable, c’est le mouvement. Plus votre cheval marche, et sur des sols durs (à condition d’être à l’écoute et de le faire progressivement), plus ses pieds seront harmonieux, résistants, sains et sans douleur quelque soit le terrain. Je connais un pur sang arabe de 20 ans, qui vit au près en Limousin, paré par sa jeune propriétaire. Et bien l’été dernier, il faisait des spectacles de fauconnerie pieds nus, dans la cours d’un château recouvert de gravillons, avec des demi-tous serrés au petit galop, et bien on aurait dit qu’il volait lui aussi tant il était léger et précis !

Vous utilisez aussi beaucoup de remèdes naturels pour guérir mais aussi prévenir, quels sont-ils ? Comment vous êtes vous formée ?

Comme vous l’avez compris, j’ai passé ces 23 années à étudier, observer, chercher, me former. Je voulais être à la hauteur et le plus possible autonome.

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Dès mes débuts en endurance, fin des années 80, j’ai croisé dans les vet-gates le Dr Ancelet qui à l’époque étudiait le cheval en endurance. Il a écrit d’ailleurs un incontournable et toujours valable ouvrage : « Les raids d’endurance équestre » :

Lorsque j’ai eu ma très chère jument, elle est arrivée pouliche d’un misérable élevage –oui, c’est comme cela, et pardonnez-moi, que j’appelle aujourd’hui les lieux où les chevaux sont gardés par des clôtures en barbelés pourris, sans soin des pieds, ni compétence pour l’élevage et l’éducation. J’ai croisé tant de ceux là, et observé et soigné tant de blessures physiques et émotionnelles chez ces pauvres animaux, que je n’ai aucun respect pour les personnes qui produisent dans de telles conditions, qu’ils se fassent passer pour des pro ou pas- Donc cette petite jument était dans un état très moyen. Je ne l’avais pas choisie, mais une fois là, tous les jeudis, je devais appeler le vieux véto local. Quand je lui ai posé la question de « pour quoi le jeudi ? » il m’a dit : « vous savez, il y a des bêtes à chagrin…. ». Toute secouée, je recherchais l’adresse du Dr Ancelet que j’avais conservée depuis des années, puis, je n’ai eu de cesse de le contacter pour enfin m’inscrire à ses formations et de chercher des thérapeutes qui à l’époque se comptaient sur les doigts de la main.

Voir également
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Attention, ces formations aux médecines alternatives appelées maintenant complémentaires sont à double tranchant.

Cela vous ouvre la porte de l’autonomie (et des économies aussi) mais également la conscience de la toxicité de tout ce que vous faites ingurgiter à vos animaux, à vos enfants et à vous même. Ce que la science et la médecine nous font croire a de très graves retentissements sur l’humanité, la survie des espèces, et de la planète.

Lorsque vous prenez ne serait-ce qu’un simple médicament pour un mal de tête, vous sollicitez votre foie, vos reins, et non seulement vous vous intoxiquez mais vous allez relâcher les molécules dans l’eau qui rejoindra toutes les autres déversées par l’agriculture, l’industrie, et vos contemporains qui eux aussi ont mal à la tête, et ailleurs. Et cette même eau se retrouvera soit dans l’océan et ses poissons et crustacés, soit dans votre verre…épurée, dénaturée, dévitalisée et chargée à nouveau de molécules chimiques… voici le cercle infernal auquel nous participons tous.

La vie a voulu que j’accueille des chevaux qui souffrent de pathologies relativement intraitables : infection chronique à Sarm (staphylocoque doré résistant), insulino-résistance, cushing, uvéite….

J’ai donc continué à me former, et maintenant, je dois avouer que je fais cavalier seul la plupart du temps.

J’utilise bien sur l’homéopathie, la phyto et les huiles essentielles avec une affinité pour la gemmothérapie. J’étudie actuellement des remèdes ayur-védiques dans lesquelles j’’entraperçois une possibilité par ma jument insulino-résistante. J’ai eu l’honneur de rentrer en contact avec le Professeur Dublanchet qui planche depuis des décennies sur la phagothérapie (virus utilisé contre les bactéries résistantes) et qui a accepté exceptionnellement de me conseiller pour le cas de Harry et de son infection chronique. Il me reste à trouver un vétérinaire local qui accepterait de collaborer au protocole de soin. Harry est traité depuis plusieurs mois avec de la propolis qui semble améliorer sa situation. J’ai fait la connaissance d’un formidable apiculteur alsacien qui a bien voulu m’offrir 400gr de sa chère propolis, aussi, en retour, je suis en train de fabriquer deux ruches Warré, dite ruche populaire de l’abbé Warré. On ne se refait pas !!!

Quel est votre conseil pour les passionnés qui rêvent d’avoir leur chevaux chez eux ?

Ho lala ! si il ne doit y avoir qu’un seul conseil, ça serait celui de bien réfléchir avant de se lancer et pour cela, de prendre le temps d’aller visiter et se former avant tout. Mesurer dans quoi on s’engage et ce que cela induit.

Je tiens à être réaliste : Un cheval vit entre 15 et 35, et coûte tellement plus cher à l’entretien qu’à l’achat !

Il est grégaire et ne peut vivre seul, il est maintenu artificiellement en « prison » avec une surveillance et des soins constants. Il nécessite de l’espace, des congénères, du travail, et de l’amitié.

Ce sont les illusions qui portent la plupart d’entre nous à nous lancer. Le cheval a depuis toujours fasciné et s’est inscrit dans l’inconscient collectif comme symbole de pouvoir, et depuis quelques temps de « dou-dou » .

Chacun possède sa propre représentation et malheureusement ses propres illusions. Le cheval en fait méchamment les frais aujourd’hui et nous le savons, trop nombreux d’entre eux sont produits  pour finir par être abandonnés. Les associations débordent d’équidés en tout genre et toutes conditions. Faute d’avoir conservé sa place au labeur (excepté dans les fermes en traction animale et dans le débardage), le cheval est maintenant consommé comme les petits animaux d’animalerie, alors qu’il est bien plus que cela.

Cette manière de s’exprimer pourra en choquer certains.

C’est en fait une mise en garde.

Certains d’entre nous, passionnés de longue date, qui avons consacré notre vie à l’étude de l’animal, à la recherche d’une entente harmonieuse ont le besoin d’intercéder pour lui. De demander aux autres, aux générations futures de le prendre en considération dans sa globalité.

Je devine qu’il y a aujourd’hui un besoin émergeant de la transmission du savoir. Ne le laissons pas disparaître et enrichissons les nouveaux venus dans le clan des passionnés.

Nous avons besoin d’intercesseurs, de mentors, « d’avocats des chevaux » comme disent les Natural Horsemen pour faire progresser, préserver, améliorer la condition du cheval sur notre planète.

 

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